Endomychus biguttatus (Say 1824)

Endomychus biguttatus (Say 1824)

 Par Alexie DROUIN et Jean-Michel MATTE (édité par Étienne Normandin)

Sauf quand autrement indiqué, texte et images ©2014 CC BY-SA 4.0, les auteurs

Classification

Ordre Coleoptera
Sous-ordre Polyphaga
Infra-ordre Cucujiformia
Superfamille Cucujoidea
Famille Endomychidae
Sous-Famille Endomychinae
Genre Endomychus
Espèce Endomychus biguttatus

Endomychus biguttatus, décrit par Say en 1824, est un petit coléoptère de la superfamille Cucujoidea, dans laquelle on retrouve également les coccinelles. Bien qu’il arbore des élytres visuellement semblables à celle-ci (voir Figure 1), notre spécimen se retrouve plutôt dans la famille des Endomychidae, qui regroupe environ 1800 espèces réparties en 12 sous-familles, dont la majorité se nourrit de champignons. En fait, dans de nombreuses classifications, la famille Endomychidae est considérée comme étant le groupe soeur de la famille Coccinellidae. Historiquement, certaines phylogénies plus anciennes allaient jusqu’à les placer dans le même taxon, soit les « Trimera », sous le prétexte qu’ils possédaient tous les deux des tarses pseudo-trimères (Tomaszewska, 2000). Nous savons aujourd’hui que cela est faux, et que cette condition n’est restreinte qu’à quelques sous-familles d’endomychidés, dont les Endomichinae. Malgré ces informations, relativement peu d’études ont été faites sur la famille, et encore moins sur l’espèce, donc plusieurs caractéristiques restent peu définies à ce jour.

bigattatusFigure 1. Spécimen d’Endomychus biguttatus capturé à la Station de biologie des Laurentides, Saint-Hippolyte, le 4 septembre 2014. Vue latérale et dorsale.

Biologie générale

Il n’existe aucune espèce d’endomycide obligatoirement xylophage (qui se nourrit de bois), mais on les retrouve quand même très souvent sous l’écorce des arbres (Blatchely, 1910; White, 1983). Par contre, ils sont plutôt associés aux basidiomycètes ligneux qui se retrouvent dans les arbres malades ou morts. En effet, les endomycides sont reconnus pour vivre dans des champignons (d’où leur nom: endo signifie à l’intérieur et mycide réfère aux champignons), et les hôtes observés pour notre espèce sont Schizophillum commune, Hirneloa mesenterica et Auricularia auricula (Shockley, 2009). Ils sont mycophages et, comme la majorité des espèces de leur famille, ils se nourrissent surtout de l’hyphe du champignon hôte, ou de la portion charnue de son corps. De plus, plusieurs spécimens ont été découverts dans des carcasses de cochons hautement décomposées (Shockley, 2009), ce qui suggère une capacité quelconque de nécrophagie, bien que la raison de leur présence dans ces cadavres soit nébuleuse.

Il y a habituellement deux périodes de reproductions principales pour cette espèce, soit au printemps et à l’automne (Shockley, 2009). Cela coïncide avec la période de sporulation de son hôte reproductif obligatoire, Schizophillum commune. Notre espèce est l’une des rares espèces qui recouvre ses œufs après la ponte: habituellement, elle les dissimule avec l’hyphe solide de son hôte. Leur développement est cependant assez lent, et prends environ 35 jours. Après l’éclosion, la larve traversera 4 stades larvaires, avant de devenir une pupe puis un adulte, puisque les coléoptères sont des insectes holométaboles (à métamorphose complète). Endomychus biguttatus passe du stade de pupe au stade d’adulte ténéral en un temps moyen de 243 heures (Leschen et Carlton, 1988), puis du stade ténéral à adulte mature et sclérotisé en un temps moyen de 48 heures. Le développement à partir du stade de pupe dure donc un peu plus de 12 jours. En comparaison avec de nombreuses autres espèces mycophages se nourrissant sur des champignons frais, son temps de développement est relativement long. En effet, certaines espèces passent de l’œuf à l’adulte mature en seulement 11 jours. Cette différence entre les espèces peut être expliquée par leur lien avec leur espèce hôte : plus le champignon est dense, plus le taux de développement est élevé (Leschen et Carlton, 1988).

Comme la coccinelle, notre espèce est capable d’excréter un liquide organique laiteux en guise de défense chimique lorsqu’il est soumis à un stress. Il contient une bonne proportion d’hémolymphe, le liquide dans lequel baignent les organes, mais il contient aussi beaucoup de composés chimiques toxiques pour les prédateurs. La substance est également hautement amère. Après l’excrétion, le coléoptère lave son corps frénétiquement pour en faire disparaitre les résidus.

Distribution

Les coléoptères de la famille des endomycides sont présents dans toutes les régions biogéographiques de la planète, mais leur diversité est à son apogée en Afrique, en Asie et en Amérique (Shockley, 2009). Notre espèce, quant à elle, est très abondante dans la portion est de l’Amérique du Nord. Pour survivre aux hivers rigoureux, elle passe l’hiver dans la litière ou sous l’écorce des arbres.

Morphologie

Certaines caractéristiques sont propres à la famille des Endomychidae et nous ont guidés dans l’identification de notre spécimen. Parmi celles-ci, on retrouve la présence d’une ou deux paires de sillons longitudinaux, de lignes sur la marge latérale ou de petites dépressions sous-basales ; une formule tarsienne de type 3-3-3 ou 4-4-4, qui correspond au nombre de segments du tarse sur chacune des paires de pattes, de l’avant vers l’arrière ; la présence d’une suture fronto-clypéale (le clypéus étant un des sclérites présent sur la marge inférieure de la face de l’insecte) ; l’absence de rainures sur les antennes ; la composition des antennes est typiquement de 11 segments (les trois derniers sont plus larges que les précédents), ainsi que l’absence de lignes sur le premier sclérite abdominal situé sous le coxa (Lawrence et al., 1999; Tomaszewska, 2000; Skelley et Leschen, 2002).

fig 2

Figure 2. Photographie du stade adulte d’Endomychus biguttatus, avec identification des parties anatomiques visible. Vue dorsale. © Nicholas Gompel, modifiée pour l’identification
de la morphologie par Jean-Michel Matte

Pour identifier ce spécimen, un des premiers caractères révélateur est le motif sur ses élytres : il y a quatre taches sombres sur un fond uni brun-rouge (voir Figure 2). Le motif est caractéristique de l’espèce : les deux taches près de l’apex de l’élytre sont plus larges, alors que les deux plus haute sont parfaitement rondes. De plus, son écusson triangulaire est noir, ainsi que le pronotum et sa tête.

fig 3

Figure 3. Schéma du premier stade larvaire d’Endomychus biguttatus. Vue dorsale.
© Leschen & Carlton, 1988

Durant le premier stade larvaire, on voit apparaitre plusieurs épines sur les côtés du prothorax, qui serviront à percer l’œuf, qui seront perdu aux stades subséquents (Leschen et Carlton, 1988). Toutes les larves ont une mâchoire inférieure proéminente et un corps sclérifié et aplati dans l’axe dorso-ventral (voir Figure 3).

fig 4

Figure 4. Schéma de la pupe d’Endomychus biguttatus. Vue dorsale.
© Leschen & Carlton, 1988

Pour ce qui est de la pupe, elle a une longueur moyenne de 5 mm, une couleur rosée et des spiracles sont présents sur les cinq premiers segments de l’abdomen (voir Figure 4).

Bibliographie

Blatchley, W. S. (1910), An illustrated descriptive catalogue of the coleoptera or beetles (exclusive of rhynchophora) known to occur in Indiana. Nature Publishing Co., Indianapolis, 1385 pp.

Lawrence, J. F., Hastings, A. M., Dallwitz, M. J., Paine, T. A. et Zurcher, E. J. (1999), Endomychidae (major part). Beetles of the World: A Key and Information System for Families and Subfamilies. CD-ROM, version 1.0 for MS-Windows. CSIRO Publishing, Melbourne.

Leschen, R. A. B. et Carlton, C. E. (1988), Immature stages of Endomychus biguttatus Say (Coleoptera : Endomychidae) with observations on the alimentary canal. Journal of the Kansas Entomological Society, 61 (3) : 321-327.

Shockley, F. W., Tomaszewska, K. W. et Mc Hugh, J. V. (2009), Review of the natural history of the handsome fungus beetles (Coleoptera : Cucujoidea : Endomychidae). Insecta Mundi, 72 (1) : 1-24.

Skelley, P.E. et Leschen, R.A.B. (2002), Endomychidae. Polyphaga: Scarabaeoidea through Curculionidae. American Beetles, 2 (1) : 366-370.

Tomaszewska, K. W. (2000), Morphology, phylogeny and classification of adult Endomychidae (Coleoptera: Cucujoidea). Annales Zoologici, 50 (4) : 449-558.

White, R. E. (1983), A field guide to beetles of North America. Houghton Mifflin, Boston, 404 pp.