Necrophila americana (Linné 1758)

Necrophila americana (Linné 1758)

le silphe d’Amérique

Par Samantha DÔ et Mylène DURANT (édité par Elise ST-PIERRE)

Texte et images ©2014 CC BY-SA 4.0, les auteurs

silphe2Le spécimen a été capturé à la Station de
Biologie des Laurentides le 6 Septembre 2013

Classification
Ordre Coleoptera
Sous-ordre Polyphaga
Infra-ordre Staphyliniformia
Superfamille Staphylinoidea
Famille Silphidae
Sous-Famille Silphinae
Genre Necrophila
Espèce Necrophila americana

La famille des Silphidae a été décrite par l’entomologiste français Pierre André Latreille en 1806. Il serait initialement originaire d’Asie et aurait fait son apparition entre -70 et -150 millions d’années.

Les silphidae sont utilisés dans les écosystèmes forestiers et agricoles car ils interviennent dans le cycle du carbone et de l’azote en se nourrissant de cadavre et transforment ainsi les matières mortes en matières humiques, ce sont donc des nécrophages qui décomposent les dépouilles.
Nos recherches ont été motivées par le coléoptère diurne que nous avons capturé dans un piège attractif en forêt, attiré par l’odeur alléchante des crevettes en décomposition. Le Silphe d’Amérique (Necrophila americana, décrit par Linné sous le nom Silpha americana), était anciennement appelé Bouclier américain (Encyclopédie méthodique, Tome III – 1790). C’est un insecte commun en Amérique du Nord. Son aire de répartition est limitée à l’est par les Montagnes Rocheuses, au nord on le retrouve du sud du Québec jusqu’au Nouveau Brunswick tandis qu’au sud on le rencontre du Texas jusqu’à la Floride.

En raison de son mode de vie, il est conseillé de le manipuler avec des petites pinces plutôt qu’avec les mains, ainsi que de tremper les spécimens dans l’alcool (au moins 70%) pour tuer les bactéries…

silphe3Son identification a été rendue possible grâce à de nombreux critères tels que la couleur brune sombre, voir noire de ses élytres avec un apex jaune. Un corselet, jaune aussi, muni d’une grande tache noir irrégulière en son centre composent le motif caractéristique de l’espèce. L’écusson est triangulaire et la tête, noire. Il mesure 12 à 20 millimètres de long. Il est communément rencontré sur les charognes ou les champignons pourris. Les silphe4adultes se nourrissent de larves de diptères et d’autres coléoptères nécrophages, c’est pour cette raison qu’il est considéré comme un prédateur opportuniste.

La carcasse est un lieu de nourrissage mais aussi de reproduction. Les larves noires qui en sont issues, ressemblent à des cloportes et se nourrissent comme les adultes. La nymphose a lieu dans une loge souterraine non loin de la charogne. Le Silphe d’Amérique hiverne à l’état adulte.
Il se peut que le Silphe d’Amérique transporte souvent à son insu des acariens de la famille des Parasitidae (notamment du genre Poecilochirus), on parle alors de phorésie. À leur arrivée sur un cadavre, ces acariens abandonnent leur moyen de transport pour se nourrir et se reproduire, puis, eux ou la génération suivante, se raccrochent sur un transporteur pour être déplacés sur un nouveau cadavre à exploiter.
De nombreux noms scientifiques ont été utilisés pour désigner le Silphe d’Amérique, et notamment : Necrophila affinis, Necrophila canadensis, Necrophila peltata, Necrophila terminate, Necrophilia americana, Silpha americana

Les représentants de la sous-famille des Silphinae auquel appartient le silphe d’Amérique, pratiquent la digestion orale. La digestion orale est un mode de consommation pour le moins original qui consiste à injecter de la salive pour paralyser une proie. Les Silphinae ne possèdent pas de sécrétions anales et salivaires antibiotiques comme la sous famille des Nicrophorinae, ce qui ne leur permet pas de conserver les cadavres et donc de les enfouir dans la terre.
Les principaux compétiteurs des silphes sont les diptères, tels que les mouches qui raffolent de la chair en décomposition. Le silphe n’est pas un animal difficile. Pour peu qu’il y ai un taux de mortalité suffisant autour de lui, on le rencontre dans tous les types d’habitats : en forêts, en prairies… il est aussi très prisés de nombreux prédateurs tels que les rapaces, renards …
Les Silphes constituent par ailleurs un groupe souvent délaissé par les entomologistes, d’autant plus que des difficultés de détermination persistent chez certaines espèces (genre Nicrophorus notamment). La famille des Silphidae a pourtant été assez bien étudiée dans l’histoire, notamment dans les années 1920-1930 par Portevin qui était le spécialiste de ce groupe. Depuis, aucun nouvel ouvrage de synthèse n’a été réalisé. Les publications existantes sur ce groupe sont de ce fait excessivement rares, et seuls les récents travaux de Marc Debreuil (2003 à 2004, cinq articles apparus chez le bulletin Rutilans) sont venus apporter des connaissances renouvelées importantes sur cette famille, notamment en matière de répartition française.

À l’heure actuelle, c’est dans le domaine de la recherche en criminologie que cette famille est la plus étudiée. Les silphes sont fréquemment utilisés dans ce domaine pour dater la mort des cadavres humains et aident ainsi à résoudre certains mystères. Bien que finalement très peu connu du grand public (vivant en tout cas…) il a récemment eut droit à son heure de gloire grâce à la série d’enquêtes policières « Les expert : Manhattan ». En Mars 2006 est diffusé pour la première fois au États-Unis l’épisode 17 de la saison 2, qui porte sobrement le nom de « Necrophila americana ». L’histoire raconte la découverte d’un cadavre de femme retrouvé dans un musée, à demi rongé par ces charmantes petites bêtes…